La tendance s'est inversée en milieu de soirée : alors que les première estimations donnaient Stéphane Baly en tête, Martine Aubry a fini par l'emporter sur le fil.
Indétrônable, Martine Aubry a été réélue pour un quatrième mandat à la tête de Lille, après avoir été annoncée perdante – de très peu – pendant une partie de la soirée.
Jamais on n'aura vu un duel aussi serré pour s'emparer du beffroi de la Capitale des Flandres, et l'ex-conseiller municipal EELV Stéphane Baly, ancien allié de la majorité, a bien failli faire vaciller le bastion socialiste.
Les résultats définitif du second tour des municipales à Lille :
- Martine Aubry : 40% (15 389 voix)
- Stéphane Baly : 39,41% (15 162 voix)
- Violette Spillebout : 20,59% (7919 voix)
Visages fermés, les militants écologistes attendent l’arrivée de @StefBaly pour son discours... La défaite à 200 voix a vite fait le tour. #municipaleslille #municipales2020 #lille pic.twitter.com/hAB54Q4SKN
— Simond Colaone (@simondcolaone) June 28, 2020
La réaction de Martine Aubry
Peu après l'annonce de son élection, Martine Aubry est apparue radieuse dans le hall de l'Hôtel de Ville, entourée de son équipe. Elle a d'abord fait part de sa "profonde tristesse" au regard du taux d'abstention, puis de son "immense bonheur" sur l'issue de ce scrutin.? @MartineAubry réélue à Lille : "Ça n'a pas été facile. L’abstention me posait problème mais on a fait une belle campagne." pic.twitter.com/4Q6BU1aElP
— Info France 2 (@infofrance2) June 28, 2020
"La lutte contre les inégalités sociales, plus encore de démocratie et puis une ville qui continue à etre en mouvement
Voilà ce qui va constituer notre travail pour les 6 ans qui viennent", a conclu l'élue socialiste.
La réaction de Stéphane Baly
Stéphane Baly a réagi depuis la terrasse d'un bar de Wazemmes, où il donnait une conférence de presse. "Nous nous sommes approchés si père du but ! 227 voix ! À une poignée de voix, nous n’avons pas gagné", a-t-il regretté, tout en adressant ses "salutations républicaines" à Martine Aubry et Violette Spillebout.
"Je voudrais dire à quel point les résultats, le contexte et les enjeux devant nous doivent tous nous amener à l’humilité et l’esprit der responsabilité", a-t-il ajouté en référence au score très serré, ainsi qu'à l'abstention record. "Ce soir, Madame Aubry a été élue par 12% des inscrits, 7% des Lillois."« Nous étions si près du but, 227 voix d’écart » #municipales2020 @StefBaly pic.twitter.com/sflUygYz3E
— Simond Colaone (@simondcolaone) June 28, 2020
Plus tard, il a confié au micro de France 3 Nord Pas-de-Calais ressentir de la "déception", après "une campagne formidable". "Où on a hissé le niveau de l'écologie à Lille à un niveau jamais atteint."
Tout en saluant la victoire des "copains" à Marseille, Lyon, Strasbourg ou Annecy, il s'est réjoui d'obtenir 11 élus, "plus que dans la majorité qui s'achève". "Nous serons dans l'opposition", a-t-il assuré, "à porter la voix des 15 000 Lillois qui ont glissé un bulletin 'Lille Verte 2020, Pour Changer."
Une campagne particulière
Les trois candidats avaient voté dans la matinée : dans le Vieux-Lille pour Martine Aubry et Stéphane Baly et à Fives pour Violette Spillebout.Dans la 10e ville de France en population (232 787 habitants en 2017), la campagne des municipales a été particulièrement âpre, et surtout marquée par la rupture complète entre les socialistes et les écologistes, alliés depuis près de 40 ans qui ont abordé le second tour des élections au coude à coude.
La dernière fois que l'on avait vu des triangulaires à Lille, c'était en 2001, lorsque Martine Aubry devenait la première femme maire de la ville, face au RPR et au FN. Depuis, l'ancienne ministre du Travail avait été réélue confortablement avec 66,6% des voix en 2008, puis plus difficilement avec 52,05% des voix en 2014, face au candidat UMP Jean-René Lecerf.Candidate à un quatrième mandat, Martine Aubry est arrivée en tête du premier tour du scrutin avec 29,8% des voix. Un premier tour marqué par un taux d'abstention de 67,38%, à quelques jours de l'annonce du confinement pour endiguer la propagation du Covid-19.
Face à elle, le chef de file EELV au conseil municipal Stéphane Baly avait réussi l'exploit de décrocher 24,53% des suffrages alors qu'il était quasiment inconnu avant l'élection. Pour la première fois en près de 40 ans, l'alliance entre PS et EELV est exclue dans l'entre-deux tours. Stéphane Baly avait prévenu dès octobre 2019 : "Le match est entre Aubry et moi".
Pourtant, à cette triangulaire s'ajoutait une troisième figure : Violette Spillebout, candidate LREM en troisième position au premier tour avec 17,53% des voix. L'investiture, par le parti présidentiel, de l'ancienne directrice de cabinet de Martine Aubry n'avait pas plu à tout le monde. Sa rivale, la députée du Nord Valérie Petit, avait même fini par quitter le parti en janvier dernier.
Pas d'alliances et peu de soutiens
Le candidat LFI Julien Poix (8,84%) a refusé toute fusion de sa liste et, dans un communiqué, appelé Martine Aubry et Stéphane Baly à prendre position sur un certain nombre de sujets (RIC, friche Saint-Sauveur...) tout en exhortant à ne pas donner une seule voix à la candidate macroniste.Il a été plus difficile pour la droite, battue avec le score de 8,24% du LR Marc-Philippe Daubresse, de choisir un candidat. Pendant l'entre deux-tours, ce dernier a préconisé le vote blanc quand le patron des LR du Nord Sébastien Huyghe (battu au 2e tour en 2008) a appellé à voter Violette Spillebout. Quant à Jean-René Lecerf, battu en 2014 et désormais président du département du Nord (après avoir quitté le parti LR en 2016), il a appelé à soutenir son ancienne rivale, Martine Aubry. Même choix pour Thierry Pauchet, chef de file (DVD) de l'opposition municipale.
Quant au candidat FN Eric Cattelin-Denu (6,84%), il n'a pas donné de consigne de vote ; pas plus que le candidat du Parti Animaliste Antoine Stathoulias (1,95%) ou le Gilet jaune Alexandre Chantry (0,88%)
Pollution, Saint-Sauveur et statue de Faidherbe
L'entre deux-tours a évidemment été marquée par la crise du coronavirus et l'action de la maire de Lille a été scrutée à la loupe. Martine Aubry s'est positionnée comme la seule candidate d'expérience face à la "récession" qui s'annonce après la crise sanitaire.Stéphane Baly, lui a appelé les électeurs macronistes en désir de "changement" à "ne pas se tromper" et voter pour lui. Il a refusé l'alliance que lui proposait Violette Spillebout et elle-même a refusé la main que lui tendait la droite.
La campagne, qui s'est d'abord jouée sur la question environnementale (les pics de pollution, le devenir de la friche Saint-Sauveur, le nombre d'espaces verts...) a également été marquée par le mouvement "Black Lives Matter" : plusieurs associations et collectifs souhaitent le retrait de la statue équestre du général Faidherbe, au bord de la Place de la République, à cause de sa participation active à la campagne coloniale de la France au 19e siècle.
Le dernier sondage avant les élections, en date du 18 juin, donnait Martine Aubry et Stéphane Baly au coude à coude, avec respectivement 39% et 37% des voix, devant Violette Spillebout à 24%.